PREMICES
Mais, revenons au début du mois de mai 1940.
En Belgique, chacun s’apprête à fêter Pentecôte dans la joie. Bienheureux pays neutre qui se complaît dans les propos rassurants du monde politique. Le Premier Ministre, le bertrigeois Pierlot n’a-t-il pas déclaré durant la semaine que ‘la Belgique n’est plus le champ de bataille ouvert aux querelles d’autrui…/… Son territoire est un ensemble de lignes fortifiées, occupées par une armée décidée à tout pour la défense de nos foyers…’ Mieux, le Ministre de la Guerre vient d’annoncer le rétablissement des permissions pour la troupe. C’est un signe de détente qui apporte un peu de bonheur dans tous les cantonnements : les chanceux vont passer les fêtes en famille…
Du côté allemand, Le mot de code « Danzig » surprend bien des unités sur les champs de manœuvre, aux abords du Rhin et de la Moselle.
On sait que les conditions météorologiques favorables représentent un élément non négligeable du Fall Gelb -le Plan Jaune-, qui prévoit de lancer 75 divisions allemandes contre les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. La visibilité doit être parfaite pour les observations, les parachutages et les bombardements. De la dureté des chemins et des routes forestières dépend la progression rapide des chars et des camions. Or, les prévisionnistes de la Luftwaffe sont formels : il faut s’attendre à une période de beau temps entre le 9 et le 15 mai, avec des vents faibles à modérés de direction nord et une température moyenne autour de 15 degrés avec quelques faibles gelées nocturnes.
Sous les ordres du Général Von Rundstedt, le premier groupement blindé de l’Histoire est massé sur la Moselle. Il est commandé par le Général von Kleist : 140.000 hommes, 40.000 véhicules dont 1.500 blindés. On le sait, le Plan dans sa dernière version, ce sont Brauchitsch et Halder qui l’ont défendu bec et ongles face au scepticisme de l’état-major, même si c’est von Manstein qui a essayé après la guerre de s’en attribuer la paternité. Pourtant, le führer a récemment tranché en faveur de ce Plan Jaune IV et reprenant la main comme il le fera devant Dunkerque, il décide que ce sera von Kleist qui mènera l’attaque, avec sous ses ordres uniquement des généraux adeptes de la guerre de mouvement : il y a là entre autres Reinhardt, Rommel … et Guderian.
La percée principale qui aura lieu à travers le massif de l’Ardenne sera menée en tête par les 1ère, 2ème et 10ème Panzer divizions (Pz.) aux ordres de Guderian, renforcées par l’Infanterie Regiment Grossdeutschland (IRGD).
La 5ème Division Légère de Cavalerie française
Le 10 mai 1940, au premier jour de la grande offensive allemande, les Français, répondront au tardif appel au secours du gouvernement belge et enverront en Ardenne quatre divisions légères de cavalerie (DLC), ainsi que deux brigades de cavalerie renforcées par des groupes de reconnaissance. Leur mission sera précise : les grandes unités de cavalerie et leurs renforts ‘doivent aller à la rencontre des Allemands, le plus loin possible, pour obtenir des renseignements sur les forces et les axes d’attaque et faire ensuite du combat retardateur afin de procurer aux forces franco-britanniques le temps nécessaire pour prendre les mesures adéquates’. Les choses sont claires : la France ne se battra pas pour préserver l’intégrité du territoire belge et stoppera l’avance allemande sur la Meuse.
C'est la 5ème DLC, sur les axes Bouillon-Libramont-Neufchâteau-Vaux-sur-Sûre, qui va avoir la mission la plus difficile. En effet, tandis que les trois autres DLC feront face chacune à une seule division allemande, la 5ème DLC trouvera devant elle les trois Panzerdivisions du Général Guderian, intégrées dans le XIXème Korps :
- la 2ème Panzer (2.Pz.) qui visera Libramont,
- la 1ère Panzer (1.Pz.) qui aura pour objectif Neufchâteau, et
- la 10ème Panzer (10.Pz.), qui, fonçant sur Florenville et renforcée par l'Infanterie Regiment GrossDeutschland (IRGD), surgira plus tard au sud de Neufchâteau en faisant un détour pour contourner la 2ème DLC française dont la résistance à Etalle et à Jamoigne s'averera trop coriace.
De plus, c'est devant la 5ème DLC que les Allemands effectuent le 10 mai leur opération NiWi: l'atterrissage dans la région de Nives et Witry (et Léglise par erreur), du 3ème bataillon de l'IRGD transporté notamment par des petits avions Fieseler-Storch.
La 5ème DLC est constituée de deux brigades composées chacune de deux régiments :
- la 6ème Brigade de Cavalerie (BC) avec deux régiments à cheval: le 11e Cuirassiers et le 12e Chasseurs à cheval;
- la 15ème Brigade Légère Motorisée (BLM) avec le 5ème Régiment d'automitrailleuses et le 15ème Régiment de Dragons Portés.
II y a en outre le 78ème régiment d'artillerie, le 5ème escadron divisionnaire antichars, la 10ème batterie divisionnaire antichars, la compagnie de sapeurs-mineurs, la compagnie mixte de transmissions et diverses unités des services. Pour son action en Belgique, la 5ème DLC sera renforcée par trois groupes de reconnaissance et aura en outre à sa disposition deux bataillons d'infanterie qui resteront stationnés sur la Semois.
Le 9 mai, à la veille de l’offensive allemande, les unités de la 5ème DLC sont cantonnées en France dans une zone d'environ 25 kilomètres de large, entre Donchéry et Carignan. Lors de l'entrée en Belgique, les ordres donnés seront de:
- ‘se porter aussi vite et aussi loin que possible à la rencontre de l'ennemi, pour exercer sur lui une action de retardement’ ... une action dont la durée dépendra de la localisation du premier contact dans l’est ;
- ‘faire du renseignement’, afin d'informer le commandement allié sur les axes d'attaque, la nature et l'importance des colonnes ;
- ‘réaliser des destructions routières’, notamment à Libramont, à Bertrix et à Neufchâteau.
Dans ce but, La 5ème DLC devra traverser la Semois à Bouillon et dans la région de Florenville et lancer d’abord des détachements de reconnaissance vers Houffalize (par Libramont) et vers Bastogne (par Neufchâteau). Il est prévu qu'à la fin de la manœuvre de retardement en Ardenne, manœuvre qui devrait durer cinq jours selon le plan, la 5ème DLC devra se placer en réserve derrière la position principale de défense de la zone de … Sedan.
Le général Chanoine, commandant la division, articule ses forces en deux groupements (ouest et est), chacun étant mixte car comprenant des unités à cheval et des unités motorisées. Cette caractéristique se révélera calamiteuse au plus fort de l’attaque contre Neufchâteau.
Ces deux groupements sont dirigés respectivement par :
- le Général Brown de Colstoun, commandant la 6ème BC à l’ouest, et
- le Colonel Evain, commandant la 15ème BLM à l’est. Ce dernier répartit ses forces en deux sous-groupements : le premier sur l’itinéraire Herbeumont-Neufchâteau-Vaux-sur-Sûre est équipé d’automitrailleuses sur roues AMD, d’automitrailleuses chenillées AMR, de motos et d’artillerie; l’autre sur l’itinéraire Chassepierre-Chiny-Suxy-Les Fossés, formé principalement d’unités hippomobiles. Cet élément aura aussi son importance.
Les forces belges en Centre-Ardenne
On connaît aujourd’hui les conceptions changeantes du Haut Commandement belge concernant le dispositif des troupes et les nombreuses modifications introduites depuis avril 1940 jusqu'au matin même du 10 mai. Ces éléments vont gêner la stratégie et les mouvements des troupes françaises.
A l'aube du 10 mai 1940, on trouve en Centre-Ardenne le Groupement K (du nom du Général Keyaerts, commandant la 1ère DC) dont le QG est à Saint-Hubert et comprenant :
- la 1ère Division de Cavalerie (DC) qui après l'exécution des ordres donnés dès la nuit du 9 mai, sera regroupée sur la Position d'arrière-garde en un vaste arc de cercle appuyé sur la Meuse depuis Huy jusqu’à l’Ourthe ;
- la 1ère Division de Chasseurs Ardennais (ChA) qui recevra l’ordre de se replier dès les premières heures du 10 mai.
En effet, l‘état-major belge, arc-bouté au Plan Dyle, est tombé dans le piège de la manœuvre de diversion allemande organisée plus au nord. Déjà dans la nuit du 7 mai, le puissant groupement motorisé belge cantonné dans la région Habay-Etalle et qui devait occuper la frontière de l'est de Attert jusqu'à Athus, perd le 1er Guides qui est envoyé sur sa position d'arrière-garde. Et le surlendemain le restant de ce groupement blindé se replie aussi. En plus, le 10 mai à 07h00, le Général Keyaerts va donner l'ordre de repli vers le nord aux deux derniers escadrons blindés belges qui, dans le respect de la politique de neutralité, gardent encore la Semois face … au sud.
Au PC du général Keyaerts à Saint-Hubert, depuis minuit, tout le monde est en alerte, les permissions suspendues et les hommes rappelés dans leurs unités. Mais au petit matin du 10 mai 1940 dans le secteur du Centre-Ardenne, Il n’y a plus aucune unité blindée belge pour faire face aux trois Panzerdivisions de Guderian…
Au même moment, les blindés allemands (du Nord au Sud: 2ème Panzer, 1ère Panzer et 10ème Panzer) du XIXe Korps, traversent le Grand-Duché de Luxembourg. Elles ont pour objectifs du jour respectivement Libramont, Neufchâteau et Florenville. Tandis que le gros de l’Infanterie Regiment Grossdeutschland (IRGD) accompagne la 10 Pz., son 3ème bataillon, transporté notamment sur petits avions Fieseler-Storch, va atterrir au Sud de Bastogne, à Nives et Witry (opération NiWi) afin d’interrompre toutes les liaisons entre les Chasseurs Ardennais disposés à la frontière et leurs arrières, afin d’empêcher les réserves de venir les renforcer.
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